
Le 04 octobre 2042,

SAR Adhanalaya Pratha Dhamala, Prince héritier du Noble Royaume du Khelkadesh, à Røros
Entretien exclusif avec SAR Adhalanaya Pratha Dhamala : départ de l’OMPC, politique nationale et ambitions personnelles
Lecteur étranger, je me dois mais ne peux, en quelques mots, vous faire réaliser à quel point l’entretien que vous vous apprêtez à lire est historique et exceptionnel. C’est en effet seulement la deuxième fois qu’un membre de la famille royale s’adresse à un média, quel qu’il soit, pour s’exprimer au moyen d’un entretien journalistique. La première fois, c’était à l’initiative du Maharajadhiraja actuel, Jagannath Prawal Dhamala, afin de calmer les rumeurs émergeant au sujet de la mort de son père, Sudhakar Tribhuvan, que certains ne pensaient pas accidentelle. Aujourd’hui, c’est à l’initiative de son fils, Adhanalaya Pratha, qui selon un communiqué gouvernemental, que vous trouverez retranscrit et discuté plus loin dans notre édition, vient de quitter ses fonctions de représentant du Khelkadesh à l’Organisation Mondiale pour la Paix et la Coopération (OMPC).
Hendrik Ambar Baidya : Namaste, Votre Altesse Royale, soyez le bienvenu. Vous êtes de retour au Khelkadesh après environ 9 mois de déplacement en Dytolie justifiés par votre nomination en tant que représentant du Noble Royaume auprès de l’OMPC, ainsi que de plusieurs rencontres diplomatiques. Comme vous en avez été averti et pouviez vous en douter, les questions que nous souhaitons vous poser sont nombreuses.
Son Altesse Royale Adhanalaya Pratha Dhamala : Namaste. Je vous remercie de votre accueil et suis très honoré que vous ayez accepté ma proposition d’entretien. J’ai en effet eu la chance de parcourir cet étranger et lointain continent qu’est la Dytolie, mais suis aujourd’hui très heureux d’être de retour auprès de mes concitoyens. Je ne souhaite pas aller plus vite que votre musique, Monsieur Baidya, mais je suppose que votre première question, la plus brûlante et actuelle, concernera l’OMPC.
H.A.B. : Vous avez tout à fait raison, Votre Altesse Royale. Le gouvernement a annoncé avant-hier, dans un communiqué, que vous quittiez vos fonctions à Røros et rentriez au Khelkadesh. Surtout, les raisons de votre départ. Ma première question sera donc la suivante : êtes-vous à l’origine de votre départ, ou avez-vous été rappelé par Sa Majesté votre père ?
SAR A.P.D. : C’est moi qui ai suggéré à mon père de revenir, pour plusieurs raisons que je m’apprête à vous exposer. Je souhaite avant cela écarter toute rumeur quant à un lien entre l’élection du nouveau Secrétaire Général et de son adjoint et mon départ. Haruhi Yamada, et surtout Choe Hyun-Ae, ont de nombreuses qualités et je sais qu’ils sauront s’épauler mutuellement pour piloter les débats et les votes. Ce n’est pas envers eux ou leurs capacités, mais envers l’Organisation dans sa globalité que j’ai développé des doutes. À l’origine, la Charte de l’OMPC a été signée par mon père car son esprit correspondait à ce qui, à son sens et au mien, manquait à la scène internationale actuelle. Les promesses d’harmonisation juridique, bien entamées avec la résolution sur le droit de la mer, et de discussion multipartite en prévention des conflits armés étaient fort attirantes. Mon père comme moi-même nous attendions à y trouver des gens sérieux, pleins de bonne volonté, partageant les mêmes objectifs que nous et disposant d’un poids diplomatique que le Khelkadesh n’a pas. Plus que le mot « Paix », qu’il est aisé de placer partout, c’est le mot « Coopération » qui a décidé mon père à signer la Charte.
Hélas, au cœur de cette assemblée, j’ai surtout trouvé de vieux enfants, déconnectés des problèmes des peuples qu’ils représentent ou sentencient, plus intéressés par le luxe de l’Organisation et leur retraite prochaine que par la Paix et la Coopération, entre États membres et non-membres. J’ai encore du mal à me convaincre que c’était réel, mais l’autre jour par exemple, et c’est sûrement ce qui a précipité ma demande de départ, il y eut au milieu de l’Assemblée des États, la grande salle où ont lieu nos débats et votes officiels, une bataille de cacahuètes initiée par Earl Stephens, le représentant westréen, et suivie par le représentant askaze, Igor Vassaliovitch, laquelle fut suivie d’insultes, de coups de cafetière, et de sortie de sabres. M. Vassaliovitch s’est en effet mis en tête, depuis son arrivée à Røros, de proposer de servir du café à tous les membres de l’assemblée, plusieurs fois par jour. Sympathique attention, penseriez-vous, si vous ne saviez pas que, quelques dizaines de secondes plus tôt avaient lieu d’importantes discussions sur la situation au Zufrana et qu’Ismaël Al-Azr, le représentant saogien, expliquait que son chef d’État souhaitait organiser un référendum sur l’appartenance du Saog à l’OMPC. Je le cite : « Une fois de plus, l’OMPC se montre être une organisation bordélique, dirigée par des personnes clownesques qui ne voient que leurs intérêts. » Et... je suis obligé d’être d’accord avec lui. De par le piètre niveau de l’organisation administrative, les actions diplomatiques entreprises ou le sérieux de ses membres, l’OMPC est inefficace, ridicule et, oui, clownesque. Je n’ai que 25 ans, mais j’étais souvent frappé par la quantité d’enfantillages dignes d’adolescents à laquelle j’étais confronté.
Fort heureusement, je veux le dire, tous les représentants ne sont pas de l’enfantine trempe de ceux du Westrait, de l’Askazie, du Samwhasal ou encore du Chikkai. Mais il est devenu impossible, à mes yeux, de travailler avec ce genre de personnes si peu conscientes de l’importance de leurs actes, et j’ai conseillé à mon père de prendre du recul sur la participation de notre Noble Royaume à cette Organisation qui, depuis sa création, s’est largement plus ridiculisée qu’elle n’a été actrice de paix.
De plus, et c’est la deuxième raison de mon départ, il se trouve que sur toutes les discussions auxquelles j’ai participé en un peu plus de huit mois de présence, je n’ai jamais participé aux votes. Pas par paresse ou absence, mais car les sujets abordés ne concernaient nullement le Khelkadesh ou ses habitants. Après réflexion et consultations, avec à l’esprit mon devoir de représentant du peuple khelkadeshi, il s’est trouvé que la meilleure option de vote était l’abstention, et ce au cours de tous les suffrages excepté l’élection d’un nouveau Secrétaire général et de son adjoint. C’est là sûrement une impression très personnelle, mais le développement d’une filière nucléaire au Commonwealth, le maintien de sanctions à son égard ou encore la condamnation de la présence militaire du Gandhari au Zufrana ne me semblaient nullement des questions intéressant tant le Khelkadesh que les khelkadeshis. Or, je ne veux pas que la présence du Prince héritier du Noble Royaume soit vue comme l’intérêt que porte notre pays à l’Organisation si l’intérêt que nous lui portons est minime. J’ai donc, une fois encore, rapporté à Sa Majesté mon père mon investissement au sein de l’OMPC et demandé à ce que soit revue notre participation à une organisation internationale qui manque de sens et de représentativité.
Je suis heureux, toutefois, que mon père n’ait pas pris la décision, comme je le lui avais demandé dans la lassitude qui m’avait envahi le soir de cette bataille de… cacahuètes…, de quitter l’Organisation. Il a préféré réduire drastiquement notre participation à son minimum légal, laissant la possibilité de nous y réinvestir plus tard, lorsqu’elle et ses membres auront gagné en sens et en tenue. Pour cela, je dois avouer que j’ai encore beaucoup à apprendre de lui et le remercie de m’avoir accordé sa confiance pour conduire notre délégation à Røros. Je lui ai indiqué ma volonté de participer à d’autres missions, diplomatiques ou non, à l’avenir.
H.A.B. : Eh bien, que de révélations ! De l’extérieur, même depuis le point presse, ce que vous nous révélez ici n’était nullement évident. Cela jette un tout autre jour sur les décisions prises par l’Organisation. Puisque vous abordez le sujet, quelles sont vos ambitions personnelles dans un futur proche ?
SAR A.P.D. : Je n’ai pas réellement d’ambitions que je puisse citer comme cela, puisque c’est ce que vous semblez me demander. Je suis au service du Noble Royaume, de son gouvernement et de son peuple. Lorsque l’on m’assignera une mission, quelle qu’elle soit, je serai heureux de faire de mon mieux pour la mener à bien. Il est toutefois un obstacle, qui est celui de mon rang. Comme vous le savez, en ma qualité de Prince héritier, je me vois obligé de respecter et faire respecter une certaine étiquette à mon propos. Ainsi, je ne peux me promener seul, je ne peux accepter qu’on s’adresse à moi sans me montrer le respect qui m’est dû, je ne peux me mettre en danger, et ainsi de suite. Je ne suis pas du genre à tenir mordicus à cette étiquette, mais c’est ce qui est attendu de moi, et je suis donc tenu de m’y attacher tant que je ne suis « que » l’héritier : je représente mon père autant que mon peuple et mon pays, et il est de mon devoir, j’en suis persuadé, de ne pas le déshonorer ou laisser penser qu’il ne serait pas l’égal des autres monarques de ce monde. Mon rang est ainsi, souvent, un frein à mon activité diplomatique et, plus généralement, de représentation à l’étranger. Là où mon père peut se soustraire à son escorte, lors d’une visite au Westrait, pour aller au hasard à la rencontre de personnes dans les rues de Cewell, cela m’est formellement interdit sans que les personnes aient été fouillées et, il faut le dire, cela réduit fortement l’aspect spontané de telles rencontres. J’accepte donc mon sort, et peux considérer qu’il soit dans mon intérêt et celui du Noble Royaume que je me concentre dorénavant davantage sur la scène nationale qu’internationale ou diplomatique.
H.A.B. : Je comprends. Puisque vous abordez le sujet, quel est votre sentiment sur l’actualité de la scène politique nationale ?
SAR A.P.D. : Vous avez du mal me comprendre. Je n’ai aucune envie de m’intéresser à la scène politicienne nationale : les affaires de partis ne me concernent pas. Lorsque je parlais de scène nationale, je faisais allusion au bien-être des khelkadeshis sur tous les plans sauf l’aspect politique, sujet qui basculerait trop vite et trop aisément dans l’approbation ou la désapprobation de comportements ou déclarations du gouvernement ou de ses oppositions. Non, ce qui m’intéresse c’est le développement des conditions de vie des khelkadeshis. Ainsi, je souhaite aider aux discussions avec le Westrait sur le développement d’un programme de formation médicale ou paramédicale dans les villages les plus reculés de notre territoire, et investir ma personne pour la pédagogie nécessaire à ce genre de programme. Un autre sujet qui me touche est le sort des rescapés du conflit interne sangaïais, qui ont trouvé refuge sur notre territoire et qui ne souhaitant pas retraverser la frontière. Mon troisième exemple sera le développement du sport, de tous les sports, dans toutes les communautés de notre beau Royaume. Il est du devoir de l’État de faire en sorte de pourvoir aux besoins de ses administrés, et les infrastructures sportives font partie, je pense, de ces besoins. Or, elles manquent aujourd’hui cruellement en dehors des grandes villes. Voilà le genre de sujets qui m’intéresse et pour lesquels j’espère pouvoir m’investir.
H.A.B. : Je pense parler au nom de tous les khelkadeshis en vous remerciant pour votre prévenance et votre souhait d’aider vos concitoyens. Je vous ai posé toutes les questions que vous n’avez pas devancées au cours de vos explications. Souhaitez-vous adresser un dernier message avant de mettre fin à cet entretien ?
SAR A.P.D. : Je souhaite encourager tous les khelkadeshis. Il est rare que mon père, moi-même ou un membre de la famille royale s’exprime publiquement, et j’en suis désolé. Je profite donc de cette occasion pour dire à tous les khelkadeshis que nous ne les oublions jamais, et que mon père comme moi-même et le gouvernement avons tous les jours à l’esprit d’accompagner le progrès du Noble Royaume dans un sens qui sert le plus grand nombre d’entre vous. Si nous ne nous rendons pas beaucoup personnellement à votre rencontre, nous sommes conscients de ce que vous vivez et ne sommes nullement enfermés dans une tour d’argent, comme on a pu me le suggérer à l’étranger. N’oubliez jamais les préceptes de Bouddha, en particulier le noble sentier octuple, lequel est un bon objectif que vous soyez bouddhiste ou non. Vivez heureux et, si vous ne l’êtes pas, faites tout pour le devenir. Om mani padme hum.
H.A.B. : Merci beaucoup, Votre Altesse Royale, pour cet entrevue à bâtons rompus, vos explications et vos bons conseils.
Hendrik Ambar Baidya,
Journaliste.